Petit résumé introductif
L’astrologie ne cesse de susciter curiosité et débats. Phénomène ancien, elle s’inscrit aujourd’hui dans une ère numérique où ses usages, ses croyances et ses formes de diffusion évoluent rapidement. Pour mieux cerner la place qu’elle occupe dans la société française contemporaine, l’Ifop a mené une enquête exclusive publiée en mars 2022. Cette étude offre un éclairage précieux sur les profils sociologiques des croyants, les évolutions générationnelles, les canaux d’accès et les implications sociétales de l’astrologie.
Dans cet article, nous proposons une analyse détaillée de cette étude, en croisant les données quantitatives avec des éléments de contexte culturel, historique et psychologique.
Objectif ? Comprendre pourquoi l’astrologie séduit encore (ou à nouveau), qui elle attire, comment elle se manifeste et quelles opportunités ou risques elle soulève dans notre société contemporaine.
L’astrologie en chiffres : une croyance bien ancrée
Des croyances astrologiques partagées par près d’un Français sur deux
Selon l’étude Ifop menée en mars 2022 auprès de 1 007 personnes représentatives de la population française adulte, 41 % des Français déclarent croire en l’astrologie, consulter leur horoscope du jour ou calculer leur thème astrologique. Ce chiffre est révélateur : malgré la sécularisation croissante, le recours à des outils symboliques pour donner du sens au réel reste vivace.
Évolution depuis 2000 :
- En 2000, 28 % des Français croyaient en l’astrologie.
- En 2010, ils étaient 32 %.
- En 2022, on atteint donc 41 %, soit une progression de 13 points en 22 ans.
La hausse est significative, en particulier chez les jeunes générations et les femmes (voir infra).
L’astrologie, plus populaire que d’autres croyances « paranormales »
L’étude révèle aussi que l’astrologie est plus populaire que :
- La cartomancie (29 % de croyants)
- La réincarnation (27 %)
- La communication avec les esprits (24 %)
- La sorcellerie (23 %)
- Les fantômes (21 %)
Seules la numérologie (34 %) et la voyance (30 %) s’en approchent.
Cette hiérarchie des croyances indique que l’astrologie occupe une place centrale dans le paysage des spiritualités contemporaines non-institutionnelles.
Qui croit en l’astrologie ? Profils sociologiques et générationnels
Un phénomène fortement générationnel
Les jeunes adultes sont nettement plus enclins à croire en l’astrologie :
- 60 % des 18-24 ans y croient, contre 25 % seulement des 65 ans et plus.
- 49 % des 25-34 ans sont également croyants.
« Cette génération Z, souvent en quête de repères identitaires dans un monde incertain, semble trouver dans l’astrologie une grille de lecture personnelle et rassurante. » — Dominique Reynié, politologue, directeur de la Fondation pour l’innovation politique
Cette surreprésentation des jeunes s’explique par :
- Une forte exposition aux contenus ésotériques sur les réseaux sociaux
- Un rejet relatif des formes de religiosité traditionnelles
- Une recherche de sens et de narration de soi
Le genre joue un rôle déterminant
La croyance astrologique est plus marquée chez les femmes :
- 52 % des femmes déclarent croire en l’astrologie, contre 30 % des hommes.
Ce différentiel peut s’expliquer par :
- La socialisation émotionnelle des femmes, plus orientée vers l’introspection
- Leur représentation plus fréquente dans les professions liées au soin, au développement personnel, à l’éducation
- Une plus grande exposition à des contenus de bien-être, où l’astrologie est très présente (presse féminine, Instagram, TikTok)
Les catégories socio-professionnelles intermédiaires sont surreprésentées
Contrairement à une idée reçue, la croyance astrologique n’est pas réservée aux populations les plus précaires ou les moins éduquées :
- Elle est très présente chez les cadres, professions intermédiaires et étudiants.
Cependant, les diplômés du supérieur restent un peu moins croyants que les autres, ce qui souligne une tension entre rationalité académique et recherche subjective de sens.
Astrologie et numérique : TikTok, Instagram, newsletters…
Une diffusion virale sur les réseaux sociaux
Les astrologues nouvelle génération utilisent massivement :
- TikTok (#astrology a dépassé 30 milliards de vues en 2022)
- Instagram, où des comptes comme @astrotruc (France) ou @co–starastrology (US) fédèrent des centaines de milliers d’abonnés
- Les newsletters et podcasts astrologiques (par exemple : « Astrolytique », astrovibe.fr ou « Cosmic vibes »)
« L’astrologie aujourd’hui se lit sur smartphone. Elle a muté vers un format rapide, visuel, quotidien. » — Lisa Azuelos, autrice et réalisatrice
L’essor des applications et des sites astrologiques
Des apps comme Co-Star, The Pattern, Sanctuary, Time Passages ou Astromatrix séduisent une jeunesse connectée. Certaines utilisent l’IA pour personnaliser les prévisions ou intégrer les données de la NASA comme astrovibe.fr.
- Co-Star a franchi les 25 millions de téléchargements en 2021.
- The Pattern est utilisé par plusieurs célébrités comme Channing Tatum ou Jennifer Aniston.
Ces outils transforment la consommation astrologique en expérience interactive, ludique et individualisée. Des applications et logiciels d’astrologie permettent aussi de réaliser son thème astral, de calculer des transits ou de réaliser des synastries.
Astrologie et quête de sens : entre développement personnel et spiritualité douce
Une fonction d’auto-réflexion
Pour 53 % des croyants, l’astrologie sert à mieux se comprendre. Ce chiffre monte à 67 % chez les 18-24 ans.
Elle devient alors un outil de narration de soi, comme le soulignent les sociologues :
« L’astrologie remplit une fonction identitaire. Elle propose un récit symbolique, souple, non contraignant, où chacun peut se reconnaître. » — Danièle Hervieu-Léger, sociologue des religions
Une spiritualité postmoderne, non-institutionnelle
L’astrologie contemporaine s’inscrit dans ce que l’anthropologue Paul Heelas appelle le « spiritual but not religious » (SBNR). On assiste à un mélange de :
- Bien-être émotionnel
- Développement personnel
- Symbolisme psychologique
- Spiritualité fluide, individualisée
Cette tendance explique pourquoi l’astrologie est aujourd’hui plus consultée que le catéchisme ou les homélies. Elle répond à des besoins modernes : introspection, guidance, validation émotionnelle.
Une alternative douce face aux incertitudes collectives
Dans un monde marqué par :
- L’instabilité écologique
- Les crises sanitaires
- L’insécurité économique
… l’astrologie peut apparaître comme une boussole symbolique. Une réponse douce, imagée, poétique, à un réel chaotique. D’autant qu’elle autorise le doute, l’ambivalence, sans dogme ni hiérarchie.
Critiques, risques et enjeux éthiques
Le risque de surinterprétation ou de dépendance
Certains psychologues mettent en garde contre :
- La prophétie autoréalisatrice : si je crois qu’un transit va me freiner, je sabote inconsciemment mes projets
- La dépendance aux horoscopes quotidiens, surtout chez les adolescents fragiles
- La délégation excessive du libre arbitre à un système symbolique
Les controverses scientifiques
L’astrologie est toujours classée comme pseudoscience par l’Académie des sciences. Aucune étude n’a prouvé de lien causal entre position des planètes et traits psychologiques.
Après Carl Jung et ses archétypes, et comme le rappelle le philosophe Edgar Morin :
« Ce n’est pas parce qu’un système est irrationnel qu’il est inutile. Le symbolique structure nos représentations, et donc nos actions. »
Opportunités : une passerelle vers la connaissance de soi
Loin de l’opposition stérile science/croyance, certains thérapeutes, coachs ou éducateurs utilisent l’astrologie comme outil projectif, au même titre que les archétypes, les contes ou les dessins.
Elle peut servir de support à :
- Des discussions sur les émotions
- Une réflexion sur les cycles de vie
- Un cadre souple pour la prise de décision
« L’astrologie permet parfois d’ouvrir une porte, de créer une distance sur le réel, comme une parabole. » — Luc Bigé, biophysicien et symboliste
Vers une nouvelle ère astrologique ?
L’essor de l’astrologie numérique, sa féminisation, son hybridation avec le coaching ou la psychologie transpersonnelle ouvrent des pistes inédites :
Vers une professionnalisation accrue ?
- De plus en plus de formations certifiantes (à Paris, Lyon, en ligne)
- Des consultations payantes encadrées par déontologie
- Des collaborations avec des psychothérapeutes
Vers un encadrement légal ?
Certains appellent à :
- Un label astrologique éthique
- Une transparence des pratiques (annonces, honoraires, limites)
- Une lutte contre les dérives sectaires
Une opportunité pour la culture et la pédagogie
L’astrologie est aussi un formidable levier :
- Pour parler d’astronomie, de mythologie, d’histoire, de cultures anciennes
- Pour développer l’esprit critique sur les croyances et symboles
- Pour explorer l’histoire des idées, de l’imaginaire et du langage
Conclusion : croire sans s’aveugler, questionner sans mépriser
L’astrologie est loin d’être un épiphénomène ou une superstition anodine. Elle structure l’imaginaire de millions de Français, particulièrement jeunes. Elle répond à des besoins humains fondamentaux : comprendre, relier, se situer.
Mais son essor appelle aussi une vigilance, une pédagogie, une réflexion sur nos façons d’interpréter le monde.
Et si, au fond, la bonne question n’était pas « L’astrologie dit-elle la vérité ? », mais plutôt :
« Que dit notre rapport à l’astrologie de notre besoin de sens, d’écoute et de narration dans un monde incertain ? »
Sources citées
- Ifop, Enquête sur les Français et les pratiques astrologiques, 2022
- Reynié, Dominique. Fondation pour l’innovation politique
- Danièle Hervieu-Léger, CNRS
- Luc Bigé, symboliste
- Allied Market Research, Global Astrology App Market Report 2023
FAQ
1. Quelle proportion de Français croit en l’astrologie en 2022 ?
→ 41 %, selon l’Ifop.
2. Pourquoi les jeunes croient-ils plus que les autres en l’astrologie ?
→ Influence des réseaux, besoin de repères, spiritualité douce.
3. L’astrologie est-elle compatible avec la science ?
→ Non sur le plan empirique, mais elle peut avoir une valeur symbolique, narrative ou thérapeutique.
4. Quels sont les risques liés à la pratique astrologique ?
→ Dépendance, perte de libre arbitre, dérives manipulatrices.
5. Peut-on utiliser l’astrologie en coaching ou en pédagogie ?
→ Oui, si elle est utilisée comme support symbolique et non comme vérité absolue.